jeudi 29 octobre 2015

Par débris de rêves

Je ne pense pas par arguments; je pense toujours par images, par débris de rêves, par motions, par émotions, par départs, par fugues, par extases, par scènes romanesques.
Pascal Quignard

La fin des cabanes


lundi 26 octobre 2015

Il est si star


Incident de parcours, le garçon est flou

Retour à San Catello
Vingt et un clichés. Vingt et un regards. Vingt et un prénoms associés à la même question : « La première fois. » Et vingt et une réponses différentes. Louise et son premier éclair au chocolat, Dorothée et son premier bijou, Jeanne et sa première séance de cinéma. À travers l’objectif, ces femmes regardent le photographe. Derrière chacun des modèles, la toile de fond est la même. La série est fascinante, les portraits remarquables. Les façades et le plan d’eau qui apparaissent en fond de décor rappelleraient un port de Méditerranée, peut-être bien Marseille. Mais une Marseille oubliée, révolue. Ces femmes sont toutes adossées à la même rambarde tordue d’une ruelle étroite, les contre-jours sont audacieux. Les visages expriment la joie, la surprise, le bonheur, la gourmandise. La plus belle de ces femmes est la plus âgée.
Sur l’encadrement blanc du tirage, une main a inscrit d’une jolie écriture : « la Câline », sans doute le surnom de cette femme usée mais rayonnante. Écrit avec la même graphie, un commentaire précise : « La première fois que je t’ai vu. » Incompréhensible. Au milieu de tous ces moments joyeux, une photo projette une détresse authentique. Le modèle paraît très jeune. Elle s’appelle Fleur, elle se souvient de sa première passe. Qui sont ces femmes ? Les négatifs sur verre ont moins bien résisté aux années que leurs tirages sur papier. Fragilité. Cinq sont ébréchés, trois sont fendus, un est en miettes. La chimie a fait son temps, les contrastes se sont estompés. Sur les plaques empilées, les visages se désagrègent. Vulnérables. Ces originaux étaient stockés dans un emballage rigide de produits de laboratoire. Ils ont beaucoup
voyagé, et mal traversé le siècle précédent. Une grande enveloppe protégeait les tirages. Elle est siglée au titre d’une enseigne de la belle époque, le studio Majestic. D’autres indices traînent sur l’emballage en papier jauni : « Rue de Bourgogne, 1937, 11 h 45 / 12 h 05. » Ces précisions ésotériques indéchiffrables ont été inscrites par l’artiste photographe avec la même écriture appliquée. Au verso, une liste reprend les prénoms de tous les modèles, accompagnés d’adresses d’établissements aux titres exotiques. L’Americano Bar devait être un bon pourvoyeur. Une autre enveloppe, plus petite et affranchie en France, est  destinée à une adresse américaine dans l’État de New York. L’écriture est la même. Elle contient six portraits pris à la même époque, moins intéressants. Sur ces six photographies, cinq femmes et un jeune homme posent dans des tenues du quotidien. La ressemblance entre les quatre filles et la mère est flagrante. Incident de parcours, le garçon est flou. Impossible de constater la moindre parenté entre cet homme et les autres protagonistes. Peut-être était-il le photographe lui-même, portraitisé maladroitement par un de ses modèles ? Un Zeiss Ikon à soufflet aux mécanismes intacts était rangé avec les enveloppes dans une valisette en carton. La chambre noire est comme neuve, protégée par son étui. Après toutes ces années, la colle d’une dernière enveloppe a séché contre l’étui de l’appareil photo. Mes manipulations l’ont détachée de l’étui, elle a voleté jusqu’au plancher. Dans cette dernière enveloppe, une dernière photo. Étrange. Un double portrait, dans un format différent. Deux jeunes hommes de profil se sourient, leur nez à quelques centimètres l’un de l’autre, sur fond de vallée alpine.

Retour à San Catello /Philippe Carrese / Ed. de l’Aube

lundi 5 octobre 2015

C'est pas de ma faute


Que jamais la voix de l'enfant en lui ne se taise, qu'elle tombe comme un don du ciel offrant aux mots desséchés l'éclat de son rire, le sel de ses larmes, sa toute-puissante sauvagerie.

Louis-René des Forêts, Ostinato, 1997.

jeudi 1 octobre 2015

La vie courante

La vie courante est le titre d'un livre de Pierre Péju. Cette image a été utilisée pour illustrer la couverture de l'édition Folio. Installation de l'exposition Sabine Weiss .