lundi 30 octobre 2017

La parcelle majestueuse

Photographier quelque chose, c'est lui donner de l'importance.
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Je ne doute pas que se trouve à l'état latent dans la moindre parcelle de l'univers, toute la majestueuse beauté du monde. Je ne doute pas qu'il y ait dans les formes les plus banales, les insectes, les gens vulgaires, les esclaves, les nains, les déchets, les mauvaises herbes, infiniment plus que je pouvais supposer.
 (Walt Whitman , épigraphe d'un catalogue des photographies de Walker Evans -MoMA )
Extraits de
 La photographie / Susan Sontag

Comme un lundi


jeudi 26 octobre 2017

Disparaître tout à fait dans ce qu'on voit

Il y a une relation importante entre la solitude et l'acte photographique. On ne peut avoir ce genre de regard quand on n'est pas seul, cette façon de disparaître tout à fait dans ce qu'on voit, de ne plus éprouver le besoin d'interpréter, mais de strictement regarder. Il y a une façon d'être content avec son regard, la solitude et le voyage qui est lié à la photographie. Quand on n'est pas seul, on fait d'autres sortes de photos. En général je n'éprouve pas tellement le besoin de faire des photos quand je ne suis pas seul.
Wim Wenders
Cahiers du cinéma n°400
Octobre 1987

Italienne

Au détour des rangements de photos. 2011


samedi 21 octobre 2017

Avec Samuel Becket et Charles Juliet sur la D 481

Pour être compris, certains poèmes exigent que l'on ait un bonne connaissance de l’œuvre, voire de la vie de B.
Lueurs lisières/ De la navette / Plus qu'un pas s'éteignent / Demi-tour remiroitent.
Ce poème, je ne le comprends bien que parce que B. m'a confié une ou deux petites choses de la vie qu'il mène quand il est à la campagne. Il effectue de longues marches à la lisière d'un bois proche de sa maison, allant et venant comme une navette.
Charles Juliet
Journal IV
20 avril 1986
POL page 210


Bord de route #2



vendredi 20 octobre 2017

Nous avons eu un bel été

Nous avons eu un bel été. Mais depuis quelques jours, fatigue de trop de lumière et de chaleur, et joie à voir arriver l'automne, ma saison préférée. L'automne avec ses brumes, ses ciels changeants, ses couleurs feu, et ce grand besoin en moi de retrait, de silence, d'intimité.
Hier soir, alors que je marchais dans une rue du village, à la nuit tombante, la riche odeur d'une fumée montant d'un feu de bois, a fait resurgir  tout un pan de mon enfance.
Charles Juliet /journal IV-Accueils/15 septembre 1985/ page 183
POL

Bord de route #1



lundi 9 octobre 2017

Ce qui s'absente

C'est vainement que nous prétendons maintenir, par nos paroles, par nos écrits, ce qui s'absente.
Maurice Blanchot
(L'amitié)
épigraphe de Berg et Beck / Robert Bober
Folio 3496 

Passage secret


samedi 7 octobre 2017

Vivre ensemble comme des frères



La vérité, c'est que chaque drame de la migration en provenance des pays pauvres pose la question qui s'est posée jadis aux habitants de Roquebillière, lorsqu'ils ont offert l'asile à ma mère et à ses enfants : la question de la responsabilité.

Dans le monde contemporain, l'histoire ne répartit plus les populations entre factions guerrières. Elle met d'un côté ceux qui, par le hasard de leur situation géographique, par leur puissance économique acquise au long des siècles, par leur expériences, connaissent les bienfaits de la paix et de la prospérité. Et de l'autre, les peuples qui sont en manque de tout, mais surtout de démocratie.

La responsabilité, ce n'est pas une vague notion philosophique, c'est une réalité.

Car les situations que fuient ces déshérités, ce sont les nations riches qui les ont créées. Par la conquête violente des colonies, puis après l'indépendance, en soutenant les tyrannies, et enfin aux temps contemporains, en fomentant des guerres à outrances dans lesquelles la vie des uns ne vaut rien, quand la vie des autres est un précieux trésor.

Bombardements, frappes ciblées depuis le ciel, blocus économiques, tous les moyens ont été mis en œuvre par les nations puissantes pour vaincre les ennemis qu'elles ont identifiées. Et qu'importe s'il y a des victimes collatérales, des erreurs de tirs, qu'importe si les frontières ont été tracées à coups de sabre par la colonisation sans tenir compte des réalités humaines.

La migration n'est pas, pour ceux qui l'entreprennent, une croisière en quête d'exotisme, ni même le leurre d'une vie de luxe dans nos banlieues de Paris ou de Californie. C'est une fuite de gens apeurés, harassés, en danger de mort dans leur propre pays.

Pouvons-nous les ignorer, détourner notre regard ?

Accepter qu'ils soient refoulés comme indésirables, comme si le malheur était un crime et la pauvreté une maladie ?

On entend souvent dire que ces situations sont inextricables, inévitables. que nous, les nantis, ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde. Qu'il faut bien des frontières pour nous protéger, que nous sommes sous la menace d'une invasion, comme s'il s'agissait de hordes barbares montant à l’assaut de nos quartiers, de nos coffre-forts, de nos vierges.

Quand bien même nous ne garderions que l'argument sécuritaire, n'est-il pas évident que nos murs, nos barbelés, nos miradors sont des protections illusoires ?

Si nous ne pouvons accueillir celles et ceux qui en ont besoin, si nous ne pouvons accéder à leur demande par charité ou par humanisme, ne pouvons-nous au moins le faire par raison, comme le dit la grande Aïcha Ech Chenna qui vient en aide aux enfants abandonnés du Maroc : "Donnez, car si vous ne le faites pas, un jour ces enfants viendront vous demander des comptes".

L'histoire récente du monde nous met devant deux principes contradictoires mais non pas irréconciliables.

D'une part, l'espoir que nous avons de créer un jour un lieu commun à toute l’humanité. Un lieu où régnerait une constitution universelle et souvenons-nous que la première constitution affirmant l'égalité de tous les humains, fut écrite non pas en Grèce, ni dans la France des Lumières, mais en Afrique dans le Royaume du Mali d'avant la conquête.

Et d'autre part, la consolidation des barrières préventives contre guerres, épidémies et révolutions.

Entre ces deux extrêmes, la condition de migrants nous rappelle à une modestie plus réaliste. Elle nous remet en mémoire l'histoire déjà ancienne des conflits inégaux entre pays riche et pays sous équipé c'est le maréchal Mobutu qui, s'adressant aux Etats-Unis proposa une vraie échelle de valeur établie non pas sur le critère de la puissance économique ou militaire d'un pays mais sur sa capacité au partage des richesses et des services afin que soit banni le mot de "sous-développement" et qu'il soit remplacé par celui de "sous-équipement".

Nous nous sommes habitués progressivement, depuis les guerres d'indépendances, à ce que des centaines de milliers d'être humains, en Afrique, au Proche Orient, en Amérique latine, naissent, vivent et meurent dans des villes de toiles et de tôles, en marge des pays prospères. Aujourd’hui avec l’aggravation de ces conflits, et la sous-alimentation dans les pays déshérités, on découvre que ces gens ne peuvent plus être confinés. Qu'il traversent forêts, déserts et mers pour tenter d'échapper à leur fatalité.

Ils frappent à notre porte, ils demandent à être reçus.

Comment pouvons-nous les renvoyer à la mort ?

Dans son beau livre, le docteur Pietro Bartolo cite cette phrase de Martin Luther King, qui n'a jamais sonné aussi vraie : "Nous avons appris à voler comme des oiseaux et à nager comme des poissons, mais nous n'avons pas appris l'art tout simple de vivre ensemble comme des frères"

Texte lu par JMG Le Clézio dans l'émission Boomerang (Augustin Trappenard) le 5 octobre 2017

Une manière de ne pas écrire

Un travail, un projet, découlent d’un rapport fusionnel. Je veux que ça renvoie à un sentiment de lecture. Comme quand le lecteur injecte sa propre fiction dans le texte. Je veux faire dialoguer les deux médiums, mais peut-être la photographie est-elle aussi une manière de ne pas écrire.
Anne-Lise Broyer

Trognon


jeudi 5 octobre 2017

Est-il étonnant, est-il le moins du monde étonnant

Arrêtez-vous, ne serait-ce qu'une seconde, et laissez parler quelqu'un d'autre, quelqu'un qui vient de l'extérieur, qui n'appartient pas à ce petit monde fermé où vous semblez tous si contents de demeurer ! Est-il étonnant, est-il le moins du monde étonnant que dans cette petite ville, la vôtre, vous ayez autant de problèmes ? Que vous soyez si nombreux à être malheureux et aigris ? Est-ce que c'est une surprise ?.. Non ! Absolument pas !
Kazuo Ishiguro

Qu'on se le dise


mercredi 4 octobre 2017

Dans l'ombre courte des saules et des osières

C'est près de l'eau que j'ai le mieux compris que la rêverie est un univers en émanation, un souffle odorant qui sort des choses par l'intermédiaire d'un rêveur. Si je veux étudier la vie des images de l'eau, il me faut donc rendre leur rôle dominant à la rivière et aux sources de mon pays. Je suis né dans un pays de ruisseaux et de rivières, dans un coin de Champagne vallonnée, dans le Vallage, ainsi nommé à cause du grand nombre de ses vallons. La plus belle des demeures serait pour moi au creux d'un vallon, au bord d'une eau vive, dans l'ombre courte des saules et des osières.

L'eau et les rêves / Gaston Bachelard